Politique des grands projets à Casablanca 

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Par Sanae Aljem
Architecte enseignante à l’école d’architecture à l’Université Internationale de Rabat
Chercheur à l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme (INAU)

 

Le développement soutenu au cours du 20e siècle au Maroc a permis de transformer la ville de Casablanca et sa région en locomotive économique du pays. Étant la plus grande ville du Maroc avec plus de 4 millions d’habitants, la ville de Casablanca constitue le centre économique de l’aire métropolitaine du « duopole Casa — Rabat », et reste, de loin, la plus puissante des métropoles du Maroc. Casablanca a longtemps été un terrain d’expérimentation de toutes les formes de gouvernance moderne au Maroc depuis déjà une trentaine d’années : elle a connu la création d’une agence urbaine dont le directeur a le statut de préfet, le déplacement du champ de compétences de l’État à la ville… En parallèle, cette ville a également toujours été un haut lieu d’innovation urbaine et architecturale. Aujourd’hui Casablanca veut se positionner sur la scène internationale comme une ville du XXI siècle.

Toutefois, la ville de Casablanca n’a pas échappé aux méfaits du développement des villes industrielles. Elle a rassemblé en quelques années tous les maux d’une ville en pleine croissance. Disposant d’une économie florissante et concentrant des richesses colossales par rapport au reste du pays, cette ville qui semble échapper à ces gestionnaires continue de s’accroître par vagues progressives d’urbanisation mal maîtrisée. Cependant, Casablanca semble aujourd’hui vouloir relever ces défis, à travers des chantiers de grands projets urbains entrepris en masse durant les dix dernières années. Des projets à fort impact social, culturel, touristique, et économique, générateurs d’activités de production et de services supérieurs, à même de transformer son image de façon spectaculaire.

Du plan au projet :

Les tentatives multiples des politiques publiques urbaines de cadrer la croissance et le développement de Casablanca n’ont pas donné de résultats probants sur le terrain. Casablanca a été la première ville marocaine à faire l’objet d’un nouveau Schéma Directeur dans les années 1980. Les objectifs spatiaux des prescriptions urbanistiques fonctionnalistes du SDAU de Casablanca (de localisations, distributions, zonage, implantations des grands équipements…etc.) et ce qui en découle en termes d’orientations socio-économiques et sectorielles (industrie, commerce, transports, assainissement…) semblaient se superposer brusquement sur l’espace casablancais, et ne jamais appréhender réellement la complexité sociale et territoriale de la ville. Par conséquent, un bon nombre de ses prescriptions n’ont jamais vu le jour : la ville continue à souffrir des mêmes déficits diagnostiqués dans le SDAU.

Les outils juridiques et urbanistiques de l’urbanisme prévisionnel et réglementaire ont montré leurs limites. La planification fonctionnaliste de la ville de Casablanca est battue en brèche sur le terrain à la fois par en bas et par en haut : à travers la généralisation d’une urbanisation de fait etdes quartiers non réglementaire, malgré le débordement de la réglementation d’une part et le recours à la gestion par dérogation pour encourager les investissements, d’une autre part.

La dérogation aurait pu toutefois se révéler efficace, si elle se réduisait à quelques projets majeurs, mais érigée quasiment en règle, elle ne fait que conforter les critiques portées sur les textes et procédures régissant le champ de l’urbanisme.[1]La dérogation a été, dans ce sens, plus une brèche ouverte dans le dispositif réglementaire relatif à l’urbanisme qu’un espace de négociation sur des projets profitables à la vile telle qu’elle a été pensée au départ. L’abus de la pratique de la dérogation génère un mode de production de l’urbain sans vision et sans cohérence d’ensemble, qui consomme sans modération les plus importantes ressources foncières de la ville. Il exprime l’autonomisation des acteurs économiques vis-à-vis des orientations et des lois de la planification urbaine, pour profiter d’opportunités dont les retombées sur la ville ne sont pas uniquement positives.

Grands Projets à Casablanca :

L’État a fait le choix d’accroitre le développement de la ville de Casablanca pour en faire une métropole internationale.

 

[1]Synthèse des résultats du Comité de suivi des Agences Urbaines, créées parle Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement de l’Espace, selon la circulaire 4339 du 4 mars 2011.