par NABIL ROUBAI CHORFI
Architecte enseignant
Département d’Architecture Université de Mostaganem
Si vous portez l’oreille aux discussions qui tournent çà et là autour de la qualité de notre environnement bâti, vous remarquerez que l’architecte y est placé dans la posture – souvent surfaite – de responsable ultime de notre espace de vie. Souvent, en cas de mécontentement, il est renvoyé à la valeur de sa formation. Ainsi, je vous rapporterais une phrase assassine que m’avait assénée un responsable d’association de sauvegarde du patrimoine qui répondait à un texte où j’expliquais ma conception ontologique de la préservation1 : « C’est désespérant de lire de tels propos sur le vieux bâti surtout quand cela émane d’un pseudo-homme de l’art de surcroit se prétendant être un architecte fraichement modelé et cuit à la cocotte minute [sic]», car, d’après lui, j’avais sûrement « mal appris le module de la filière patrimoine et vieux bâti des médinas [sic] ». Outre le trait humoristique que revêt cette courte diatribe, ce qui est intéressant de noter ici, c’est l’imputabilité persistante du fait « urbano-architectural » à un état particulier et intemporel de l’architecte « en formation ». Ce trait commun à beaucoup d’observateurs extérieurs au processus complexe de la conception urbaine et architecturale tend à renvoyer du coup la complexité des desseins urbains à une sorte d’olla-podrida dont il semble être l’unique cuisinier. Néanmoins, ce qu’il m’importe de soulever dans l’article présent, c’est la question du renvoi à l’origine. Nous aurons loisir de discuter des responsabilités légales si l’occasion se présente par ailleurs. Ainsi dans l’état d’esprit général, si tel bâtiment n’est pas du goût de chacun, c’est que l’architecte n’a pas été bien formé. Si le bâtiment souffre de malfaçon, c’est également la faute de la formation et pareillement pour un manque de places de parking, des trottoirs étroits, une couleur qui dénote ou un patrimoine
délaissé. Fatalement, le cloisonnement disciplinaire n’a plus de sens quand il faut faire porter la responsabilité, et cette dernière semble enjamber le fait même de la compétence hic et nunc pour se porter sur l’origine du savoir-faire, autrement dit l’instruction. Le sujet de la formation de l’architecte et de son efficience s’est vu enrichi dernièrement d’une nouvelle donne ; un ingrédient providentiel qui a eu pour effet de ranimer le feu des conjectures, à savoir la réforme LMD que nous que nous n’aborderons pas dans ce court propos. À présent que notre réflexion est jalonnée et que la question de l’instruction de l’architecte est posée, interrogeons-nous sur ce qui fait sa spécificité. Cela pourra éventuellement nous aider à comprendre si la causalité mise en avant précédemment relève d’une certaine objectivité
SYSTÉMIQUE ET COMPLEXE, LA FORMATION DE L’ARCHITECTE
« Lorsque l’école d’architecture intégrée aux Beaux-arts d’Alger devint une école polytechnique universitaire, il fut beaucoup débattu pour savoir si l’urbanisme et l’architecture étaient des disciplines scientifiques ou artistiques. Pour les technocrates du ministère, il n’y avait pas de doutes : on formerait un architecte en lui apprenant les mathématiques, la résistance des matériaux, la sociologie et l’histoire selon les méthodes pratiquées dans chacune de ces spécialités. La seule matière qu’on n’enseignait pas était l’architecture ellemême, car on considérait qu’elle découlerait naturellement de l’accumulaion des connaissances acquises ailleurs [01] ». Jean-Jacques Deluz, 1930-2009…