par Yvan DELEMONTEY
Architecte, enseignant
et chercheur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL)
En 2003 eut lieu à Paris, au Pavillon de l’Arsenal, la très belle exposition de Jacques Lucan, consacrée aux ensembles d’habitation construits par Fernand Pouillon dans la capitale.
Ce fût ma première rencontre avec Pouillon, une de celles qui marquent au point de m’être plongé maintes fois depuis dans la lecture des Mémoires d’un architecte.
Plus tard, c’est à travers la pierre qu’il me fut enfin donné l’occasion d’étudier l’architecture de Pouillon. Engagé alors dans une thèse de doctorat, consacrée à la préfabrication dans la France de l’après-guerre, je m’intéressais aux différents matériaux en usage sur les premiers chantiers de la Reconstruction. Si le béton devait, comme l’on sait, rapidement s’imposer, d’autres matériaux, plus traditionnels, comme la terre crue ou la pierre massive, allaient connaître à leur tour un engouement en cette période de vive pénurie. Pouillon est alors certainement celui qui à l’époque l’emploie avec le plus de brio, mettant la noblesse du matériau au service d’une œuvre sociale qui consiste à construire pour le plus grand nombre, en France comme en Algérie. Mais contrairement à nombre de ses confrères, Pouillon n’emploie pas la pierre par opportunisme, il y voit au contraire un moyen de renouer avec les fondements du métier d’architecte, un retour aux sources à même de sauver une profession qu’il juge alors en déliquescence.
Objet du présent article, ces quelques « considérations » sur le rôle social de l’architecte ont été exposées lors des derniers Entretiens Fernand Pouillon qui se sont tenus à Rodez en mai 2016. Elles sont publiées ici pour la première fois dans une version remaniée.